L'ordre du monde

Tout au bord de l'eau si calme mes pieds nus sur le sable font presque du bruit. Le cri de quelques mouettes rompt le silence, et les enfants qui jouent plus loin. Harmonie. Si désuet si convenu soit le mot, il n'en est pas d'autre en cet instant. Le monde déroule ses horreurs et pourtant. Rien n'a changé sinon cette petite vie à l'intérieur de moi, ce presque rien au creux du ventre que je ne sens encore pas, que je ne sens pas mais que je sais, que je sais là. Et toutes les choses autour s'ordonnent, se calment et prennent sens. C'est si peu de choses et c'est aussi tant quand on y pense, c'est un présent qui s'emmêle avec ce qui sera, un futur qui est déjà là. C'est le passé qui prend la forme d'un chemin qui menait à une destination évidente, un présent comme un compte à rebours, une impatience et déjà des regrets, le temps à la fois long et court. La vie qui grandit au-dedans rend la mienne plus puissante, plus forte et plus présente. Présence au monde, ancrage nouveau, les choses sont plus douces et cohérentes aussi, elles sont là parce qu'il ne peut être autrement, c'est l'ordre du monde et le monde en ordre. Chaleur d'un nouvel égoïsme, univers centré en-dessous du nombril, renversement des valeurs et indifférence, cela s'impose, sans rien choisir. Je n'ai pas lâché les armes, elles sont tombées seules. Les monstruosités d'ailleurs et celles d'ici même ne pèsent presque plus. La paix intérieure et immense n'admet aucune guerre. Plus rien n'a d'importance que cette vie qui croit, que moi qui crois en cette vie. Puisque même à Gaza des bébés naissent, sous les bombes et dans le bruit. La mer sera toujours, toujours sera la vie. Dans le grand incendie des choses humaines la nature surgit. Comment sera demain, comment seront nos vies, sous quel ciel et quels dieux, peu m'importe aujourd'hui, cela continuera continuera encore, des mouvements imperceptibles au creux des ventres des femmes, des petites révolutions qui ne changeront jamais le monde, mais des regards pour toujours changés, un calme une sérénité, le sentiment que tout est exactement là où il doit être, l'inclinaison de toute pensée face au grand surgissement de la vie, la joie enfin, une joie tranquille, une certitude : tout cela est amour, mon amour notre amour, celui qui vint à ma rencontre et qui grandit chaque jour encore, maintenant dans ma chair et demain dans nos bras.